mardi 10 avril 2012

Dangereusement, mais sûrement.

Avant propos:
Les propos que je tiens ci-dessous pourront vous surprendre, voir vous choquer. Mais je n'ai pas peur que l'on me pointe du doigt. Quoi qu'il arrive, je suis gagnant. Dans le premier cas, si ce que je prévois a lieu, alors je serai triste mais aurai eu raison. Dans le second, si mes prévisions sont démenties, alors j'aurai eu tort, mais serai heureux de m'être trompé. Je n'ai donc rien à perdre.

                             ------------------------------------------

L'histoire se déclenche en 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen passe au second tour. Elle continue en 2007, lorsque Mr Sarkozy parle de Karcher, de nettoyage des banlieues, de racailles. Elle se poursuit en 2012, lorsque le même Sarkozy exploite l'affaire Merah, lorsqu'il parle Halal, lorsqu'il pointe du doigt l'immigration. La nouveauté de 2012 s'appelle Mélenchon. Il rassemble les électeurs des partis éclatés et impuissants de l'extrême gauche autour des thèmes de la nationalisation, du smic à 1700 euros, de la taxation à 100%. Faute de sursaut imminent des Français, cette histoire se terminera en 2017, lorsqu'au second tour, nous aurons le choix entre Front de Gauche et Front National. Je veux bien sûr parler de la montée des extrêmes.

En 2002, le vote d'extrême gauche (LO, LCR et PT) représentait 10,44% des suffrages exprimés. Celui d'extrême droite (FN) représentait 16,86%. Soit un total de votes "extrémistes" de 27,30% des suffrages. En 2007, le total se portait à 16,19% avec 5,75% pour l'extrême gauche (LO, LCR et PT) et 10,44% pour l'extrême droite.

Le creux dans le vote extrémiste de 2007 s'explique facilement par la combinaison de 3 phénomènes:
  • L'apparition de candidats méconnus du grand public. Les nouvelles têtes, ça rafraîchit toujours.
  • Le mauvais souvenir de 2002 avec le premier signal, Jean-Marie Le Pen.
  • La crise économique et financière n'était pas encore là, bien que le pays fût déjà fortement endetté. L'horizon était donc moins brumeux, le ciel moins chargé de nuages noirs.

En 2012, selon les tendances actuelles, le vote extrémiste va représenter près d'un tiers des Français. Mr Mélenchon représente presque 15% dans les intentions de vote. Avec Philippe Poutoux et Nathalie Arthaux, l'extrême gauche va rassembler 17% des intentions de vote. Marine Le Pen réussit à rendre plus acceptable le vote FN, notamment chez les jeunes (!), elle a donc aussi une base solide autour de 15% des intentions de vote. Le vote extrême va, cette année, dépasser les 30%. Un tiers des Français va donc opter pour un vote réactionnaire. Dangereusement mais sûrement.

A défaut d'avoir une vision à long terme et de résoudre les problèmes structurels de société annoncés par le signal de 2002, les politiques menées depuis 15 ans par les gouvernements "non-extrêmes", de droites comme de gauches, nous entrainent doucement vers un climat social de plus en plus tendu. La traduction logique dans les urnes, c'est le vote extrémiste. Le vote du ras-le-bol. Les candidats, à force de mentir aux Français en prônant le "Changement" et la "Rupture" qui n'arrivent jamais, créent de la frustration dans les esprits des électeurs. Ces derniers s'orientent alors vers le changement, catastrophique certes, mais le "vrai" changement. Celui du vote extrême. Celui de la sortie de l'euro et de l'espace Schengen, celui du communisme version URSS ou du protectionnisme au niveau national. Celui d'un énorme pas en arrière.


Je m'inquiète de l'évolution de la France. Le vote extrémiste est le symbole d'une société qui va mal. Que ces phénomènes se produisent après (et pendant) une période de crise économique, cela semble normal. Mais lorsqu'ils ne sont pas nouveaux, alors c'est que le problème est structurel. Et c'est le cas en France. Le vote extrémiste existait avant 2002. Mais depuis plus de 10 ans, il s'alimente dans l'incapacité des gouvernements successifs à faire progresser le pays. Il se nourrit dans les inégalités, se gave dans les difficultés quotidiennes des Français et attend patiemment son tour.

Et son tour arrivera en 2017. Quel que soit le vainqueur de 2012, UMP ou PS, je pense que nous nous dirigeons vers ce cas de figure.

Les 2 partis majoritaires ne vont pas résoudre les problèmes économiques auxquels nous allons nous confronter. Pas avec des prévisions de croissance digne d'un pays en bonne santé. L'UMP va subir le contrecoup de 10 ans de stigmatisation qui profitent au FN (notamment chez les jeunes). N'oublions pas que Jean-Marie Le Pen n'a eu besoin que de 16,86% pour passer au second tour en 2002. Le PS, faute de se réinventer, faute de placer le bon candidat à chaque élection, est en train de signer l'installation définitive du Front de Gauche dans le paysage politique. D'ici 2017, les Français, déçus, vont se radicaliser un peu plus. Il ne manque pas grand-chose à Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon pour passer au second tour. Juste un ultime mauvais quinquennat, de l'UMP ou du PS.

Le centre, malheureusement, devra attendre 2022. Par ce que son tour viendra aussi, mais seulement lorsque la tâche sera encore plus ardue. Seulement lorsque le pays aura les 2 genoux à terre. Pour le moment, nous n'avons que 8 millions de pauvres, après tout ce n'est pas si grave...

N'oublions pas l'allégorie de la grenouille.

Une note positive pour finir ? Nous allons pouvoir encore longtemps apprécier le talent de Damien Saez...